Du poison dans les vêtements et le cuir ! Le point de vue de l’association de défense des consommateurs
Un constat plus qu’alarmant
80 milliards de vêtements sont fabriqués dans le monde chaque année. Pour leur donner des propriétés attrayantes (couleur, brillance, facilité de repassage, tenue des couleurs…), les fabricants utilisent des molécules chimiques dont certaines constituent des perturbateurs endocriniens, des métaux lourds ou nano-matériaux. Ces molécules empoisonnent travailleurs et consommateurs et se diffusent dans l’environnement.
Des contrôles insuffisants
Le système d’alerte européen RAPEX (échange rapide d’informations entre pays de l’Union Européenne permettant de signaler un produit dangereux) est alimenté en France par la DGCCRF. Il publie chaque semaine un bilan des produits de consommation dangereux. Dans son rapport 2011, textiles, vêtements et articles de mode arrivent en tête, avec 27% des notifications, juste devant les jouets (21%), puis les moteurs (11%).
Régulièrement, l’INC mène des études sur la composition des vêtements. Par exemple, dans son enquête de 2009, 40 T-shirts pour enfants ont été testés et 9 comportaient un taux de phtalates supérieur à la nouvelle réglementation européenne REACH, en vigueur depuis fin 2008, soit plus de 0,1% sur l’ensemble du vêtement. Ces T-shirts avaient été achetés dans des enseignes diverses (Gap, Okaïdi, Auchan, La Halle, Babou, Kiabi et Gemo).
L’ONG Greenpeace, dans un rapport intitulé Les dessous toxiques de la mode, rendu public le 20 novembre 2012, montre que : 63 % des articles (89 produits) contiennent des éthoxylates de nonylphénols (NPE), composés chimiques fréquemment utilisés comme tensioactifs, notamment détergent et imperméabilisant, dans la production de textiles. Les concentrations les plus élevées (jusqu’à 45 000 mg/kg) ont été décelées dans des vêtements des marques C&A, Mango, Levi’s, Zara, Metersbonwe, Jack & Jones et Marks & Spencers. Au total, 10 % des échantillons dépassent par ailleurs le seuil de 1 000 mg/kg imposé par la législation européenne pour la fabrication de vêtements – mais pas pour l’importation.
Le secteur de la confection a du mal à se passer de ces molécules
Prenons l’exemple du formaldéhyde. Classé dans les « substances cancérogènes avérées pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer, il est souvent présent dans les vêtements synthétiques, qu’il contribue à rendre infroissables, résistants et hydrofuges. Il fixe aussi les colorants et aide ainsi à la tenue des couleurs au fil des lavages. Le problème est que le formaldéhyde provoque des irritations des yeux et des voies respiratoires, et accroît le risque de pathologies asthmatiques et de sensibilisations allergiques, même à faible dose.
Une autre molécule dangereuse vient des composés perfluorés (PFC), telles que les fibres téflon qui aide à rendre les vêtements plus faciles à nettoyer et à repasser. Ces composés sont des perturbateurs endocriniens, provoquant problèmes d’infertilité ou de développement, cancers, déficits immunitaires ou perturbations du développement neurologique.
De nombreux textiles contiennent par ailleurs des retardateurs de flammes (c’est le cas des couettes et coussins), pour éviter qu’ils ne prennent feu rapidement. Ces substances chimiques se retrouvent jusque dans le sang des cordons ombilicaux. Elles altèrent l’attention, la mémoire, l’apprentissage et le comportement des animaux de laboratoire, même à des doses minimes.
Certaines de ces substances, présentes dans les vêtements de nuit (mais aussi les matelas, les fauteuils et les rideaux) sont aussi des perturbateurs endocriniens.
Idem pour les métaux lourds (mercure pour la tannerie des peaux et cadnium dans le textile), qui permettent de faire briller les vêtements et de les teindre efficacement.
Idem encore pour les nano-matériaux, notamment le nano-argent, qui élimine efficacement les microbes, et que l’on retrouve dans les chaussettes ou vêtements de sport, à cause de leurs propriétés anti-tâches et anti-odeurs, alors même que l’on s’interroge sur les effets sanitaires réels de ces nouvelles technologies.
Des dégâts sanitaires et environnementaux à tous les niveaux
Pour les salariés
Inhalés, ingérés ou passant à travers la peau, ces polluants touchent d’abord les salariés qui confectionnent les articles textiles. Ensuite, viennent ceux qui en assurent le transport et, enfin, ceux de la distribution.
Pour l’environnement
Ces polluants provoquent également des dégâts environnementaux : une large part est rejetée dans l’eau au moment du lavage mais aussi à la fin de vie de ces vêtements : ils sont brulés ou enterrés, ce qui entraîne aussi des largages de polluants dans l’écosystème.
Pour les consommateurs
Ce sont les consommateurs qui, au bout de la chaîne sont tous exposés. Certes, il existe une législation européenne qui fixe des seuils de substances chimiques (directive européenne REACH) ou qui interdit certains substances (le DMF par exemple depuis 1998), mais on le sait ces seuils sont régulièrement dépassés et on retrouve régulièrement des produits chimiques interdits dans des articles d’importation (cas célèbre des canapés de CONFORAMA).
Recommandations et actions (liste non exhaustive)…
- améliorer le système RAPEX car tous les Etats-membres ne signalent pas les articles défectueux ;
- réaliser des études épidémiologiques et sanitaires sur les effets néfastes des substances chimiques présentes dans les vêtements pour mieux appréhender les risques et les maladies et délimiter des doses limites pour chaque molécule (actuellement, la directive européenne REACH ne fait pas de distinguo) ;
- réviser la législation REACH au gré desdites études pour baisser les seuils de tolérance des substances chimiques ou les interdire, notamment les perturbateurs endocriniens qui sont les plus problématiques ;
- sans attendre une réforme européenne, prendre en France les mesures nécessaires visant à réduire l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens (une proposition de loi en ce sens avait déposée le 6 mars 2012 – Proposition de loi de MM. Gérard BAPT et Jean-Marc AYRAULT ainsi que de plusieurs de leurs collègues n° 4434) ;
- agir par la concertation avec les entreprises concernées : des initiatives existent, certaines marques (Benetton, Mango, Esprit ou Levi’s, par exemple) se sont engagées sur des échéanciers précis pour éliminer les produits incriminés ou pour interdire ou améliorer des pratiques toxiques (le sablage de jeans, par exemple), mais ses effets sont limités. Aussi, faut-il que ces initiatives s’inscrivent dans des dispositifs de certification par tierce partie indépendante ;
- exiger des distributeurs des engagements sur la toxicité des vêtements qu’ils vendent ;
- rendre responsables les importateurs et les distributeurs du manquement par les fabricants de la réglementation REACH (qui ne s’applique pas, hélas, aux productions extra européennes) ;
- accroitre les contrôles aux frontières, en particulier pour les produits extra communautaires et pour cela, donner aux autorités de contrôles les moyens humains et financiers nécessaires ;
- mieux informer les consommateurs sur la toxicité des vêtements ; leur conseiller de laver systématiquement les vêtements notamment pour enfants avant usage afin d’éviter les risques d’irritation liés à ces résidus chimiques ;
- repenser les modes d’habillement : éduquer l’ensemble des consommateurs sur l’existence de caractéristiques potentiellement dangereuses des textiles et sur ce qu’implique le recours à des vêtements à bas prix ou une exigence vestimentaire (profondeur du noir, par exemple, ou tenue des couleurs) ;
- mettre au point des filières textiles éthiques et sans produits chimiques et les valoriser, notamment au travers de signes officiels de qualité valant signal d’achat…
Paris, le 18 mars 2013
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